On a lu pour vous : Influence et manipulation : L’art de la persuasion, par Robert B. Cialdini

On a lu pour vous : Influence et manipulation : L’art de la persuasion, par Robert B. Cialdini
Dans cet ouvrage, l’auteur passe en revue de façon détaillée les mécanismes psychologiques et sociologiques qui nous poussent à accepter une offre qu’on aurait par ailleurs tout intérêt à refuser, et qui servent de base aux principales techniques de persuasion utilisées dans toutes les activités liées de près ou de loin à la vente. De nombreux exemples tirés de la vie quotidienne et de notre histoire contemporaine viennent illustrer les principes présentés dans l’ouvrage.
Robert B. Cialdini dévoile ainsi six ressorts psychologiques utilisés comme armes de persuasion redoutablement efficaces. Chacune de ces armes psychologiques, ainsi que la manière de s’en libérer, est analysée en détail dans un chapitre dédié. Nous vous proposons ici un résumé des principales idées développées dans l’ouvrage.

Concepts généraux

Les armes d’influence

Les armes d’influence reposent sur l’identification de schémas comportementaux automatiques et sur leur exploitation. Elles sont utilisées au quotidien par les professionnels de la vente.

Les schémas comportementaux automatiques

L’auteur illustre ce concept avec l’exemple de la mère dindon qui reconnaît ses petits grâce au son « tchip-tchip » qu’ils produisent. La femelle dindon considérera n’importe quel objet produisant ce son comme étant sa progéniture et le traitera comme tel. A l’inverse, si l’un de ses petits ne produit pas ce son spécifique, elle le traitera comme un étranger et pourra même aller jusqu’à le tuer. Il s’agit d’un schéma comportemental automatique.
Ces schémas sont efficaces la plupart du temps. Ils sont très présents chez les êtres humains, et régissent une grande partie de nos relations sociales. S’ils nous simplifient la vie en nous évitant de devoir analyser complètement chaque nouvelle situation avant d’agir ou de réagir, ces automatismes ont aussi un effet pervers, puisqu’ils peuvent être utilisés contre notre intérêt. Par exemple, nous sommes bien plus enclins à répondre positivement à une demande lorsque celle-ci est formulée avec le mot « parce que ».

L’effet de contraste

Notre perception d’une chose ou d’une offre est différente selon qu’on nous la présente de manière isolée ou au sein d’une succession d’autres possibilités.
Par exemple :
  • Un produit apparaîtra d’autant plus cher s’il est présenté après un produit bon marché. En conséquence, un vendeur tentera toujours de vous vendre d’abord l’article le plus cher de votre liste d’achat.
  • Les agences immobilières proposent souvent en première visite un bien « fictif », très cher ou en mauvais état, avant de faire visiter les biens qu’elles espèrent réellement vendre au client et qui lui sembleront d’autant plus intéressants.
  • Un vendeur automobile préfèrera négocier le prix de la voiture avant de proposer des options complémentaires.

Six principes psychologiques utilisés en armes de persuasion

Principe n°1 : la réciprocité

Principe : nous avons tendance à vouloir rendre aux autres ce qu’ils nous ont donné. Ne pas rendre la pareille est souvent considéré comme malvenu et désagréable, et nous nous efforçons de ne pas paraître comme tel. Cela nous pousse souvent à accepter une offre ou une sollicitation même lorsque nous n’apprécions pas la personne qui en est la source. Le principe de réciprocité fonctionne aussi en réponse à un service ou cadeau non sollicité.
Quelques exemples :
  • Les membres d’Hare Krishna donnent de force une fleur à un passant avant de lui demander de faire un don.
  • Après avoir bénéficié d’un échantillon gratuit, on aura plus de mal à partir sans rien acheter.
  • Certaines sociétés proposent à des clients potentiels d’essayer leurs produits gratuitement pour quelques jours, sans engagement. Les clients qui ont déjà utilisé le produit auront du mal à ne pas l’acheter ensuite.
Le principe de la concession réciproque : pour augmenter la probabilité qu’une demande soit acceptée, on commence par faire une demande plus importante. Cette première demande sera sans doute rejetée, mais la demande suivante aura plus de chance d’être acceptée que si elle avait été formulée directement (à condition que la première demande ne soit pas trop extrême). Comme lors d’une négociation, il est plus satisfaisant pour l’autre partie d’accepter une demande qui semble être une concession plutôt que d’accepter la première demande reçue. Par exemple, un vendeur préférera vous vanter les mérites d’un produit plus cher avant de vous proposer un produit un peu moins cher.
Savoir dire non :
Restez vigilant pour identifier une situation dans laquelle on vous pousse à la réciprocité dans le cadre d’une relation commerciale. Si vous réalisez que l’action initiale avait un but commercial, il vous sera plus facile de résister à l’automatisme de réciprocité.

Principe n°2 : engagement et cohérence

Principe : Une fois que nous avons pris une décision ou que nous avons communiqué notre avis sur un sujet donné, la pression sociale et celle que nous nous imposons à nous-même nous poussent à agir de manière cohérente avec cette décision ou cet avis initial. Cela nous évite aussi de devoir y repenser à chaque fois. Ce mécanisme est utilisé à notre insu lorsqu’un interlocuteur commence par nous faire une demande qui paraît très modeste ou sans conséquence, mais qui ouvre en fait une brèche. Pour rester cohérent avec la réponse donnée à cette première demande, on est tenté d’accepter ensuite des propositions plus importantes. Ce principe de cohérence fonctionne d’autant mieux lorsque l’on pense avoir consenti à la première demande dans notre intérêt et non à cause d’une pression extérieure.
Exemples :
  • Les organisations caritatives qui démarchent au téléphone commencent par demander « comment allez-vous ». Si vous avez déjà répondu que tout va bien pour vous, il vous sera plus difficile de leur refuser un don par la suite.
  • Aux Etats-Unis, les fraternités exploitent de manière extrême le principe d’engagement : après être passés par de nombreuses épreuves pour arriver à faire partie d’une fraternité, les individus qui arrivent finalement à en faire partie valoriseront d’autant plus leur appartenance. Si l’effort initial demandé est moindre, la valeur de l’appartenance est considérée comme moindre également.
Savoir dire non :
Demandez-vous si feriez à nouveau le même choix, placé dans un autre contexte où vous n’auriez pas déjà admis ou consenti quelque chose au vendeur qui vous force à une certaine décision pour rester cohérent. Si la réponse est non, alors refusez l’offre du vendeur.

Principe n°3 : la preuve sociale

Principe : nous considérons comme approprié un comportement que nous observons de manière générale chez les autres. Plus le nombre de personnes ayant ce comportement est important, plus le comportement nous semble approprié.
Ce mécanisme peut avoir des effets dévastateurs, notamment en situation d’ignorance pluraliste. Il s’agit d’une situation où plusieurs individus au sein d’un groupe ont des pensées et opinions qui divergent du comportement effectif du groupe. Mais chaque individu pensant que le reste de groupe partage une seule pensée ou opinion de manière unanime, personne ne réagit et tout le monde se conforme au comportement du groupe.
Exemples :
  • Les rires pré-enregistrés (utilisés dans certaines séries par exemples) qui encouragent le public à rire plus longtemps et plus souvent, même aux blagues les plus mauvaises.
  • Un barman qui sème quelques pièces dans son pot à pourboires pour inciter les clients à donner des pourboires.
  • Le suicide collectif de Jonestown en Guyane.
  • Les enfants, qui en apprennent plus sur leurs capacités en écoutant et en observant les autres enfants que les adultes.
Savoir dire non :
Identifiez les « preuves sociales » lorsqu’elles sont fausses et simulées (par exemple les rire pré-enregistrés dans une sitcom) et soyez vigilant face à l’effet boule de neige (quand personne ne sait rien mais que tout le monde pense que les autres savent). Dans de telles situations, arrêtez immédiatement de suivre le groupe.

Principe n°4 : la sympathie

Principe : la sympathie peut être causée par différents facteurs :
  • La beauté physique, qui peut influencer la façon dont on perçoit les autres, sans que l’on s’en rende compte. Des études ont montré que les hommes physiquement attirants reçoivent des peines de prison plus légères que les autres, que les gens considérés comme beaux ont plus de facilité à persuader, que les instituteurs ont tendance à considérer un bel enfant plus intelligent qu’un autre.
  • La ressemblance : on aime ceux qui nous ressemblent. Un vendeur cherchera donc à savoir ce que vous aimez, qui vous êtes ou quelles sont vos activités, afin de prétendre vous être similaire.
  • Les compliments : nous sommes extrêmement friands de flatteries. Les compliments que l’on reçoit déclenchent systématiquement notre sympathie, peut importe qu’ils soient vrais ou non.
  • Le contact et la coopération : la familiarité attise la sympathie, qu’elle provienne d’une caractéristique de la personne (un nom ou une apparence qui nous sont familiers) ou d’un contact physique. Si la familiarité se produit dans un contexte compétitif ou qui nous dégoûte, l’effet sera négatif.
  • Conditionnement et association. Le porteur régulier de mauvaises nouvelles finira par être perçu négativement, et vice-versa. Un étranger aura tendance à nous attribuer une personnalité similaire à celle de notre groupe d’amis, et l’on préfère souvent être vu en compagnie de « winners » que de « losers ». Une voiture conduite par une jeune mannequin sera plus attirante qu’une autre pour les hommes – même s’ils nieront que cela ait le moindre effet sur leur préférence. Les déjeuners d’affaires sont si prisés parce qu’en partageant un repas, les convives développent une sympathie les uns pour les autres.
Nos connections aux autres sont un outil que nous utilisons beaucoup pour définir notre image sociale, mais qu’autrui peut parfois utiliser contre notre intérêt.
Exemple :
  • Un lien social positif garantit plus de ventes que la préférence pour le produit lui-même. Des produits comme Tupperware utilisent ce principe.
Savoir dire non :
Veillez à séparer vos sentiments et ressentis vis-à-vis de votre interlocuteur et ceux vis-à-vis du produit ou de la proposition. Si vous appréciez votre interlocuteur, cela ne veut pas dire que vous devez accepter sa proposition.

Principe n°5 : autorité

Principe : notre obéissance à l’autorité est souvent aveugle. Nous avons tendance à considérer un ordre reçu d’une figure d’autorité comme un élément isolé, sans la mettre en perspective dans le contexte général.
Exemples :
  • Les titres : une personne présentée comme « professeur » est perçue par les étudiants comme étant plus grande qu’une personne présentée comme « étudiant diplômé ».
  • L’apparence physique et les vêtements : un motard attendra plus longtemps avant de klaxonner un conducteur qui conduit un véhicule de luxe qu’un conducteur au volant d’une vieille voiture, tout en n’en ayant pas du tout conscience.
Savoir dire non :
Demandez-vous si votre interlocuteur est réellement un expert, et ce qu’il a à gagner en vous voyant obéir à sa demande.

Principe n°6 : rareté

Principe : Nous avons tendance à considérer que plus une chose est rare, plus elle a de la valeur. Lorsque nos options se rarifient, nous perdons de notre liberté de choix. Or, la perspective de perdre quelque chose que l’on a déjà est plus motivante que celle d’obtenir quelque chose que l’on n’a pas encore, et l’idée de perdre de notre liberté nous pousse à l’action.
Exemples :
  • Un jeune enfant désirera plus un jouet difficilement accessible qu’un jouet qui se trouve à portée de sa main.
  • Une relation amoureuse à laquelle les parents s’opposent s’en verra renforcée en passion et la volonté d’union sera d’autant plus forte.
  • Les informations qui nous sont inaccessibles nous semblent plus importantes. Ainsi voir son contenu censuré est parfois une meilleure publicité que de le voir publié.
  • Les révolutions ont plus souvent lieu lorsqu’à une période d’amélioration économique et sociale succède une détérioration brusque de la situation (on retrouve l’effet de contraste).
  • Des enfants élevés dans une discipline de fer auront plus tendance à se rebeller.
  • Un sentiment amoureux moribond se voit revigoré par l’arrivée d’un ou d’une rival-e. Lorsque la rareté s’allie à la rivalité, l’effet est encore plus fort.
Savoir dire non :
La possession en elle-même ne procure pas autant de plaisir que le fait de vivre ou de ressentir quelque chose. La meilleure façon de résister aux automatismes d’achat face à la rareté est de ne pas chercher à vouloir posséder tout et n’importe quoi, mais seulement les choses qui nous sont réellement utiles.
Page mise à jour le 24/04/2024