PowerPoint : je t’aime, moi non plus

PowerPoint : je t’aime, moi non plus
Nous nous sommes tous retrouvés, au moins une fois dans notre vie professionnelle, assis dans une pièce sombre à cligner des yeux devant des slides qui défilent sur l’écran au-dessus de nos têtes.
Microsoft PowerPoint est le géant indétrônable des outils de présentation. Certaines études estiment qu’il serait installé sur près d’un milliard d’ordinateurs dans le monde et qu’il donnerait lieu à la création de 30 millions de présentations par jour !
Certains utilisateurs sont tellement accros, qu’ils ne peuvent se passer de PowerPoint même pour organiser leur temps libre. C’est l’exemple de ce jeune diplômé Ben Velzian, qui afin d’organiser une première rencontre avec un contact Tinder, lui envoya une présentation PowerPoint listant toutes les activités et lieux de rencontres possibles… S’il reconnaît n’avoir pas prévenu son contact avant de lui envoyer le PowerPoint, Ben Velzian fut surpris de ne recevoir aucune réponse et d’être bloqué immédiatement.
On ne peut nier la force addictive du logiciel, alors PowerPoint est-il vraiment sur la voie de l’obsolescence, comme certains critiques le suggèrent ?

« Des milliards et des milliards »

PowerPoint est né de la société de logiciels Forethought Inc., une startup de la Silicon Valley des années 1980. Le logiciel s’appelait initialement Presenter et fut publié pour la première fois sur Mac et en 1987. Bob Gaskins est le père du logiciel.
« Au début des années 1980, je savais que près d’un milliard de diapositives étaient créées chaque année rien qu’aux Etat-Unis » explique Bob Gaskins. « Mais elles étaient toutes créées à la main, presque personne ne se servait des ordinateurs dans le processus. »
« Pour moi il était évident que dès qu’il y aurait eu une évolution du type d’ordinateurs qu’on utilisait, il y aurait le potentiel pour lancer une super application qui rapporterait des milliards et des milliards de dollars par an. »
Bob Gaskins avait vu juste, mais à l’époque l’idée ne se vendait pas très bien. Le logiciel ne pouvait pas fonctionner sur les ordinateurs personnels d’alors. Quiconque souhaitait l’utiliser, aurait à acheter d’abord un nouvel ordinateur.
Malgré tout, les gens achetèrent des ordinateurs personnels, parfois pour la première fois, afin de pouvoir utiliser PowerPoint, comme le souligne Russell Davies, journaliste spécialiste des technologies pour Wired magazine.
« Le coût de l’ordinateur ajouté à celui du logiciel PowerPoint représentait moins que ce qu’ils dépensaient alors annuellement dans la création de diapositives. »

Démocratiser le bureau

Avant PowerPoint, rappelle Russell Davies, les professionnels utilisaient des diapositives, des rétroprojecteurs et des films acétate pour transmettre des informations à un groupe. Mais pour obtenir une présentation, il fallait d’abord expédier le contenu avant de recevoir le produit fini. Cela prenait du temps, rendait tout changement très difficile et surtout cela coûtait si cher que seuls les hauts dirigeants des entreprises avaient la possibilité d’en commander.
PowerPoint a donc permis à tout le monde au sein des organisations et entreprises de présenter leur propre message.
Mais si PowerPoint a révolutionné et démocratisé le bureau, il a aussi eu quelques effets plus néfastes.
L’époque de l’émergence de PowerPoint coïncide avec une critique de plus en plus vive des cadres intermédiaires, comme le souligne Matthew Fuller, professeur en études culturelles à l’Université Goldsmiths de Londres.
Matthew Fuller y voit plus qu’une coïncidence : en donnant la possibilité à plus de personnes de présenter leurs idées, PowerPoint a exposé au grand jour les failles des cadres intermédiaires et a eu pour effet secondaire l’exode de nombreuses personnes occupant ces positions. « Peut-être leurs idées sont-elles apparues dans toute leur futilité, en quelque sorte. »

Toujours plus de slides

PowerPoint est un outil puissant qui a décuplé la créativité dans les bureaux et les salles de classe et qui a permis à chacun de devenir présentateur. Mais le logiciel est aussi accusé de simplifier démesurément les idées et de nous empêcher de raisonner clairement.
Une partie du travail de Sarah Kaplan, professeure en management et ethnographe à l’école de management Rotman de l’université de Toronto, est d’observer les gens au travail. Elle a ainsi observé que lors d’une réunion, les personnes présentes ne demandent pas de pousser ou de refaire une analyse, ni d’obtenir des informations complémentaires. Elles demandent à recevoir des slides PowerPoint supplémentaires.
“J’ai remarqué que la plupart des gens conçoivent leur stratégie en concevant leur PowerPoint », dit-elle. « Le slide lui-même devient l’objectif à atteindre, et non pas les idées et les analyses qu’il comporte. »
Certains PDG, tels que Jeff Bezos à Amazon, ont interdit l’usage de PowerPoint. « Il considérait, comme je pense beaucoup de monde, que PowerPoint focalise tellement toute l’attention qu’on perd de vue les idées qu’il contient, ce qui représente un risque. »
Mais malgré tous ses détracteurs et toute la compétition high-tech qui lui fait face, PowerPoint semble inébranlable. Il apparaît aujourd’hui comme l’un des logiciels ayant connu le plus de succès à long terme et ayant eu le plus d’influence.
Le monde semble donc bien parti pour continuer à voir défiler formations, argumentaires de ventes, conférences et cours magistraux sous forme de slides.
Page mise à jour le 26/03/2024